Kabila et la révolution congolaise.
Panafricanisme ou néocolonialisme,
Tome 1, Ludo Martens, EPO, 2002

Extrait p.15: Inhoud

Chapitre 1

17 mai 1997
Faire table rase du mobutisme

17 mai 1997, fin d'après-midi. J’allume par hasard la télévision et je vois défiler sur l'écran de longues colonnes de soldats. Il me faut un peu de temps pour me rendre compte qu’ils marchent sur le Boulevard du 30 Juin à Kinshasà. Mobutu a pris la fuite. Je regarde les jeunes kinoïs acclamer les libérateurs. Et j'imagine la joie de ces militants congolais qui ont vu leurs amis massacrés, qui ont dû se taire et se cacher pendant plus de trente ans et qui ont souvent désespéré de la victoire...

Dans un réflexe, j'appelle Brazzaville. Depuis des semaines, la ligne ne passait pas. Mais ce 17 mai est le jour de tous les miracles. J’ai Léonie Abo, la femme de Pierre Mulele, immédiatement au téléphone. Je veux avoir son sentiment sur ces images fantastiques de Kinshasa. Elle me dit: «Vous là-bas, vous êtes toujours au courant, mais nous qui sommes à côté de Kinshasa, ne savons rien. Depuis la guerre de 1994, ici à Brazza, plus rien ne marche...» Cela fait presque trente ans qu’ Abo a fui le Congo. Moi, je n’ai jamais pu mettre les pieds à Kinshasa. Dans l’euphorie du moment, nous nous fixons rendez-vous à Kin. Nous ne pouvions pas nous imaginer à quel point la révolution qui vient de triompher, serait complexe et parfois contradictoire. Pendant les quatre années suivantes, j’ai retrouvé Abo régulièrement à Kinshasa. A mesure que le temps passait, elle devenait de plus en plus aigrie.

En 1992, j'ai publié le livre Abo, une femme du Congo qui relate l’histoire de sa vie. Par son livre-témoignage sur la révolution congolaise de 1964-1968, Abo a sauvé la mémoire de Pierre Mulele, un des plus grands révolutionnaires africains: Winnie Mandela a dit qu’elle a rarement lu un récit aussi captivant sur la participation d’une femme à a révolution africaine. La grande artiste malienne Oumou Sangare a chanté dix chansons sur la vie et la lutte d’Abo.

Mais à Kinshasa, Kabila n’a jamais rencontré cette femme courageuse. Elle n’a reçu nulle part la moindre recon- naissance. Personne ne lui a trouvé un travail. Et de misère, elle a dû fuir le Congo libéré pour un nouvel exil à Brazza.. Après le coup de téléphone à Abo, je me suis à nouveau enivré d’images de Kinshasa. Des étudiants, hier encore tshisekedistes, agitant un papier où était griffonné le nom de Kabila, leur nouveau héros. Images de très jeunes soldats, après une marche folle de 2.000 kilomètres, perplexes devant les merveilles d’une grande ville. Des cadavres d’ex-FAZ. La Croix rouge dira plus tard qu’il y a eu dans tout Kinshasa 200 morts. On a craint un affrontement entre la Division Spéciale Présidentielle et l AFDL qui aurait pu faire des milliers de morts... Mahele, qui commandait l’armée et était en liaison avec Kabila, a donné l’ordre de ne pas résister à l’ AFDL. II sera finalement abattu par des militaires restés fidèles à Mobutu. Mais plus aucun soldat ne pensait se sacrifier dans la «résistance», ayant vu les officiers supérieurs se précipiter vers Brazzaville. Certains soldats se sont adonnés aux pillages. Ceux qui ont été surpris par les kadogo, ont été 15 17 mai 1997, fin d'après-midi. J’allume par hasard la télévision et je vois défiler sur l'écran de longues colonnes de soldats. Il me faut un peu de temps pour me rendre compte qu’ils marchent sur le Boulevard du 30 Juin à Kinshasà. Mobutu a pris la fuite. Je regarde les jeunes kinoïs acclamer les libérateurs. Et j'imagine la joie de ces militants congolais qui ont vu leurs amis massacrés, qui ont dû se taire et se cacher pendant plus de trente ans et qui ont souvent désespéré de la victoire... Dans un réflexe, j'appelle Brazzaville. Depuis des semaines, la ligne ne passait pas. Mais ce 17 mai est le jour de tous les miracles. J’ai Léonie Abo, la femme de Pierre Mulele, immédiatement au téléphone. Je veux avoir son sentiment sur ces images fantastiques de Kinshasa. Elle me dit: «Vous là-bas, vous êtes toujours au courant, mais nous qui sommes à côté de Kinshasa, ne savons rien. Depuis la guer- re de 1994, ici à Brazza, plus rien ne marche...» Cela fait presque trente ans qu’ Abo a fui le Congo. Moi, je n’ai jamais pu mettre les pieds à Kinshasa. Dans l’euphorie du moment, nous nous fixons rendez-vous à Kin. Nous ne pouvions pas nous imaginer à quel point la révolution qui vient de triompher, serait complexe et parfois contradictoire. Pendant les quatre années suivantes, j’ai retrouvé Abo régulièrement à Kinshasa. A mesure que le temps passait, elle devenait de plus en plus aigrie. En 1992, j'ai publié le livre Abo, une femme du Congo qui relate l’histoire de sa vie. Par son livre-témoignage sur la révolution congolaise de 1964-1968, Abo a sauvé la mémoire de Pierre Mulele, un des plus grands révolutionnaires africains: Winnie Mandela a dit qu’elle a rarement lu un récit aussi captivant sur la participation d’une femme à a révolution africaine. La grande artiste malienne Oumou Sangare a chanté dix chansons sur la vie et la lutte d’Abo. Mais à Kinshasa, Kabila n’a jamais rencontré cette femme courageuse. Elle n’a reçu nulle part la moindre recon- naissance. Personne ne lui a trouvé un travail. Et de misère, elle a dû fuir le Congo libéré pour un nouvel exil à Brazza.. Après le coup de téléphone à Abo, je me suis à nouveau enivré d’images de Kinshasa. Des étudiants, hier encore tshisekedistes, agitant un papier où était griffonné le nom de Kabila, leur nouveau héros. Images de très jeunes soldats, après une marche folle de 2.000 kilomètres, perplexes devant les merveilles d’une grande ville. Des cadavres d’ex-FAZ. La Croix rouge dira plus tard qu’il y a eu dans tout Kinshasa 200 morts. On a craint un affrontement entre la Division Spéciale Présidentielle et l AFDL qui aurait pu faire des milliers de morts... Mahele, qui commandait l’armée et était en liaison avec Kabila, a donné l’ordre de ne pas résister à l’ AFDL. Il sera finalement abattu par des militaires restés fidèles à Mobutu. Mais plus aucun soldat ne pensait se sacrifier dans la «résistance», ayant vu les officiers supérieurs se précipiter vers Brazzaville....