PTB/PVDA : réalisation ultime d’un Ludo Martens visionnaire

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Qui ne connaît pas son histoire ou la nie ne réalisera pas ses objectifs ou est condamné à répéter ses échecs. La question est de savoir si la dynamique que Ludo Martens avait envisagée dans les années soixante-dix pour la Wallonie se poursuivra également en Région flamande. Ce n’est pas d’année en année, mais de décennie en décennie, et parfois sur plusieurs générations, que l’humanité évolue vers une vie meilleure et des structures sociales et politiques adaptées aux besoins d’un nombre croissant de travailleurs et d’habitants de cette planète. Marx et Engels resteront à jamais ceux qui ont su lire la réalité dans une perspective eschatologique, c’est-à-dire « l’accomplissement des temps » — le rêve ultime de nombreuses religions qui ne peut se réaliser que dans la réalité quotidienne, la lutte sociale et la lutte des classes — en d'autres termes : le communisme. Ludo Martens est, pour la Belgique, dans ce cadre universel et orienté vers un but, un penseur essentiel et un pionnier.

Il se tient à côté de Liederik De Witte, le visionnaire d’origine chrétienne, qui parvint en 1963, grâce à sa doctrine sociale anticapitaliste de l’Église — basée notamment sur Mater et Magistra de Jean XXIII — à enthousiasmer les 140 000 membres de la KWB (Mouvement Ouvrier Chrétien) via le site www.npdoc.be/rodeboekjekwb, avec notamment Jan Cap et Karel Heirbaut (voir www.npdoc.be/jancap), ce qui échoua face à l’anticommunisme encore vivant et durci de figures comme August Cool et son réseau dans le mouvement ouvrier chrétien et ses émanations politiques — un réseau qui joua également un rôle décisif dans l’assassinat de Julien Lahaut (voir www.julienlahaut.be). Ainsi, l’histoire s’entrelace selon diverses lignes, et rares sont ceux qui parviennent à s’en détacher et à ouvrir une perspective qui, jusqu’à aujourd’hui, enthousiasme les gens et offre une vision d’avenir. Ludo Martens a fait la différence pour de nombreuses générations. C’est de cela qu’il est question dans cette brève réflexion.

La découverte d’un enregistrement vidéo réalisé par Robert Hertogen — le grand-père de Raoul Hedebouw — est révélatrice. Il s’agit d’un reportage de l’interview dans De Zevende Dag par Tony Van den Bosch avec Ludo Martens et Brigitte Raskin. Cela à l’occasion de la parution du livre de Martens et Kris Merckx Un quart de siècle Mai 68, et du livre déjà publié de Brigitte Raskin L’Enfant coucou, qui traite notamment de la période de 1968. Les générations actuelles y découvrent la douceur, la droiture et l’universalité de pensée de Ludo Martens. L’interview eut lieu un an avant la publication de Un autre regard sur Staline — un best-seller international traduit en plusieurs langues — qui obligea philosophes, penseurs, analystes et aussi « communistes » à repenser, à enquêter et à nuancer la lecture de l’histoire dominée par les États-Unis. Ce livre reste une invitation à aborder l’histoire mondiale avec suffisamment d’ouverture, comme Ludo Martens le soulignait dans son introduction. Les livres ne sont-ils plus brûlés de nos jours ? À l’exception de celui de Ludo Martens sur Staline — encore disponible dans plusieurs bibliothèques.

Dans son discours du 1er mai 1994 (voir www.npdoc.be/Martens-Ludo/1-mei), juste un an après son apparition dans De Zevende Dag, à la VUB à Bruxelles :
« Nous espérons que nos jeunes cadres auront de grandes ambitions, qu’ils se formeront en révolutionnaires complets et qu’ils auront la volonté de diriger le parti et de lui donner un nouvel élan. Nous voulons aussi remercier le grand nombre d’artistes, peintres, poètes, musiciens, chanteurs et sportifs qui ont contribué à cette fête du 1er mai, car la lutte pour le communisme doit toucher tous les aspects de la vie humaine. Dans un monde devenu un village, notre action fait partie d’un combat pour la libération de toute l’humanité. Ce combat n’est pas un feu de paille, c’est un combat pour plusieurs générations. Le communisme est l’avenir de l’humanité. »

Pour garder les pieds sur terre, connaître le passé, être présent de manière lucide dans le présent avec une vision claire de l’avenir, voici huit constats — simples, vérifiables et scientifiquement documentables — qui illustrent la signification de Ludo Martens. Non pas à partir de diverses publications (plus ou moins utiles) sur Internet, mais à partir de l’expérience personnelle, sans avoir jamais été membre du SVB, d’AMADA ou du PTB — mais bien de Mijnwerkersmacht (Pouvoir aux mineurs), le déclencheur qui a fertilisé l’ensemble du mouvement de gauche :

  1. En 1966, Ludo Martens liait — à partir d’une sensibilité « flamande » (KVHV) — l’analyse du monde étudiant aux structures de pouvoir bourgeoises, et voyait déjà la nécessité de se connecter avec la classe ouvrière. Arnout Van Reusel, alors mineur, fut parmi les premiers à aider les victimes de l’accident minier et participa activement à la grève de Ford en 1968, avec Kris Hertogen, encouragés par Martens.

  2. En 1967, Martens acquit à Berlin ses connaissances politiques de Marx, Lénine et Mao, et les greffa au mouvement étudiant de gauche croissant en Flandre. Voir notamment sa contribution Travailleurs et étudiants, à quel front veulent-ils se battre ? dans La contestation est devenue chair, Sonneville Press, 1970.

  3. Avant même la fin de la grève des mineurs en 1970, il posa la question du cadre politique : Mijnwerkersmacht, Arbeidersmacht, SUN (1970). La question se posa : comités ouvriers ou parti marxiste-léniniste ? Ce fut AMADA.

  4. Il protégea le jeune parti ML contre les tendances anarchistes et terroristes telles que la RAF, les Brigades Rouges ou la CCC. Ce que certains appelaient du dogmatisme était peut-être justement le carcan protecteur qui empêcha toute radicalisation violente.

  5. Martens mit toujours en avant la construction du parti marxiste-léniniste, rejetant toute tendance à la fusion avec d’autres mouvements ou à l’infiltration par les services de sécurité d’État, comme ce fut le cas ailleurs.

  6. Ses discours du 1er mai à Bruxelles furent chaque année des phares idéologiques — clairs, incisifs, actuels, toujours ancrés dans un contexte géopolitique. Cela vaut la peine de relire les discours entre 1988 et 1997.

  7. Dès le début des années 1970, Martens comprit que la Flandre offrait peu de soutien à un nouveau parti communiste. Sa décision d’envoyer les meilleurs cadres en Wallonie entraîna une migration politique sans précédent et mena finalement à l’émergence de PTB-GO! en 2014, soutenue par des acteurs syndicaux, culturels et académiques. La Flandre resta en retrait.

  8. Martens assura une relève idéologique : Raoul Hedebouw séjourna deux ans à Kinshasa (2002–2003), afin de s’imprégner de l’engagement révolutionnaire au Congo.

Réflexion finale : une réémigration de la stratégie de PTB-GO! vers la Flandre assurera-t-elle une percée plus large du PVDA et, finalement, une unité stratégique entre PTB/PVDA ?

Jan Hertogen, 12/11/2022

Postface
Dans quelle mesure la scission initiale entre la ligne gantoise et la ligne louvaniste (Bruxelles-Sud/De Vonk vs. AMADA) joue-t-elle encore en arrière-plan ? Et dans quelle mesure la migration vers la Wallonie de militants louvanistes via PTB-GO! (et l’élection de deux parlementaires) a-t-elle rétabli un équilibre ? Julien Versteegh apporte dans son mémoire de master de nombreux éléments pour mieux comprendre cette unification (1969–1973), mais la remarque d’un père fondateur résonne encore : « Il n’a pas creusé assez profondément. »
Qui fera mieux ?

Jan Hertogen, 09/07/2025