
LA GRANDE BIOGRAPHIE IMAGINAIRE DE LD KABILA:
ANALYSE RITIQUE DE LIVRE DE
ERIK KENNES
Par Ludo Martens
28 mars 2004
Analyse critique du livre de Erik Kennes "Essai
biographique sur
Laurent Désiré Kabila"
Tekst in het
Nederlands (deepL)

M'ZEE
LD KABILA ET YUMBU
Eric Kennes vient de publier à l'Institut africain - CEDAF
de Tervuren un gros volume intitulé "Essai
biographique sur Laurent Désiré Kabila".
Erik et moi sommes des amis, nous venons de la même région. Ici à Kinshasa,
on dirait que nous sommes des frères de tribu, notre tribu étant celui
des "Ouest Flandriens"…
Je regrette que Erik n'ait pas fait, sur ce sujet tellement passionnant
qu'est la vie et le combat de Mzee Kabila, un livre mieux réussi. Je
l'estime beaucoup, nous ne sommes plus tellement nombreux en Belgique à
étudier l'histoire du Congo et les luttes menées par son peuple et je sais
qu'Erik est capable de faire mieux.
Nous tous qui en Belgique écrivons sur le Congo pour
soutenir les efforts de son peuple pour se libérer, avons été à l'école de
Benoît Verhaegen. Un intellectuel de l'ancien pays colonisateur doit avoir
de la sympathie avec la cause de l'indépendance et de la liberté du Congo,
c'est ce qu'il nous a appris. Benoît Verhaegen a été un pionnier en
Belgique, il a fait des livres bien documentés sur le Congo des années
soixante, sur la lutte pour l'indépendance et sur la révolution de
muleliste 1964-65, dite "la lutte pour la
seconde indépendance"… Il a toujours écrit l'histoire avec
objectivité, mais aussi en faisant des efforts pour comprendre les
difficultés des populations qui ont subi l'oppression pendant des siècles
et pour soutenir leur aspiration à la dignité, à l'indépendance, à la
maîtrise de leur destin.
Dans le livre que Erik a écrit, je n'ai pas senti cette
sympathie profonde pour la lutte de libération menée par Laurent Kabila
dès l'époque de Lumumba, dès l'époque de Mulele, lutte révolutionnaire
qu'il a continuée sans jamais faillir, et cela aussi bien dans des
périodes de montée révolutionnaire que dans les périodes de déclin et de
défaite.
Militant nationaliste à 17 ans, Kabila a persévéré dans le combat pendant
39 ans, jusqu'à la victoire de la révolution populaire du 17 mai 1997.
Ainsi, Laurent Désiré Kabila a fait un parcours absolument unique dans
l'histoire congolaise. Si Erik Kennes avait eu plus de sympathie pour ce
personnage remarquable qui est allé plus loin que Lumumba et Mulele, il
aurait fait un tout autre livre.
Je suis aussi convaincu que s'il avait fréquenté les nombreux compagnons
de lutte de Mzee qui sont toujours en vie, il aurait eu une approche
fondamentalement différente de ce grand personnage.
Dans l'Avant-propos de son livre, Erik remercie ses
informateurs pour leurs "apports généreux". Et il mentionne Herbert Weiss,
Emile Ilunga, Daniel Mayele, Charles Simba, Maurice Sabuni et d'autres que
je connais presque tous. Seulement, ce n'est pas avec ces gens que vous
pouvez connaître la vérité sur Kabila et sur son combat !
Quand j'ai commencé à travailler sur l'histoire du maquis de Pierre Mulele,
la toute première chose que j'ai faite, est de chercher à identifier et
localiser les responsables et les militants qui ont été à coté de Mulele.
Alors une question s'impose : qui sont les informateurs principaux de Erik
Kennes, qui ont joué un rôle important au maquis de l'Est en 1964-65 ? Qui
a-t-il identifié pour le renseigner sur la formation politique et
militaire de Kabila en Chine en 1966-67 ? Quels sont les cadres principaux
qui ont dirigé le maquis de Kabila à Hewa Bora de 1967 à 1977 et qui ont
témoigné ? Quels sont les cadres qui sont restés au maquis pendant les
années difficiles 1978-88 et qu'il a interrogés? Quels sont les compagnons
de Mzee Kabila que Erik a interrogés sur leur participation aux tentatives
de relancer la lutte armée au cours des années 1988-1996 ?
Je ne comprends absolument pas comment on peut faire la biographie de
Kabila, sans interroger Lwetsha, Sikatend, Mwati, Molelwa et les dizaines
d'autres cadres qui ont vu Kabila à l'œuvre et qui l'ont suivi de 1964 à
1997…
Le général Mwati, après avoir lu les innombrables erreurs et contrevérités
contenues dans le livre de Erik Kennes, s'est exclamé : "Mais
pourquoi ce monsieur n'a-t-il pas essayé de me contacter pour que je
témoigne ?" Mwati, comme les autres compagnons de Mzee, n'avait aucun
préjugé vis-à-vis d'un chercheur belge qui veut honnêtement connaître la
vie et le combat de Laurent Désiré Kabila.
Erik a publié aux pages 38-39 de son œuvre un "Tableau
des compagnes de Laurent Désiré Kabila", tableau qui comprend aussi
les enfants que Kabila a eu avec ces femmes.
Erik a sans doute oublié plusieurs enfants de Mzee. Un jour je suis tombé
sur un de ces oubliés : en 1998, j'ai vécu quelques semaines dans la
maison d'Angélique Kikundi à Kitambo où séjournait aussi un jeune garçon
congolais venu de l'Allemagne : c'était le fils de Laurent Kabila et de
Catherine Yumbu, fils qui ne figure pas sur le tableau d'Erik…
En réalité, Erik, qui voulait mettre en carte la famille
biologique de Mzee Kabila, a refusé pour une raison incompréhensible, de
contacter la famille de Laurent Désiré Kabila pour se renseigner. Il était
pourtant élémentaire de registrer tous les enfants de Mzee qui sont
reconnus par la famille !
Est-ce qu'un auteur belge oserait écrire un essai biographique sur le Roi
Baudouin de la Belgique sans discuter avec un seul membre de la famille
royale ?
Si Erik a "oublié" plusieurs enfants de Mzee, il y en a aussi un qu'il a "ajouté" arbitrairement
à la liste : il s'agit du fameux imposteur Etienne qui se dit "Kabila"…
Nous y reviendrons
Si le livre de Erik est marqué par certaines faiblesses, il
faut surtout souligner que sa publication est une excellente chose ! …
L'essentiel est que désormais existe un "essai
biographique". Ce n'est qu'un premier "essai"
et il faut remercier Erik Kennes pour l'avoir réalisé. Les erreurs et les
interprétations tendancieuses voire erronées que contient cet ouvrage,
réveilleront de nombreux compagnons de lutte de Mzee Kabila.
Jusqu'aujourd'hui, ces combattants et témoins n'ont pas pris la parole …
Le livre de Erik a le grand mérite de placer l'histoire des maquis et des
luttes politiques de Laurent Désiré Kabila au centre du débat. Beaucoup de
militants congolais qui tiennent la vérité sur certaines épisodes de la
vie et du combat de Mzee, ne comprenaient pas l'intérêt de ce qu'ils ont
vécu ou n'étaient pas outillés pour transformer leur vécu en témoignage
historique. Les interprétations fallacieuses inclues dans le livre d'Erik,
mobiliseront ces militants et les pousseront à parler, à rectifier les
erreurs, à apporter des témoignages uniques … En Afrique, des pans entiers
de l'histoire disparaissent, chaque fois que les derniers témoins de
grands événements meurent…
Si l'ouvrage de Erik arrive à déclencher ce mouvement de témoignages, il
aura grandement contribué à sauver la vérité sur les maquis et sur les
luttes de Kabila. Que le Congo lui en soit reconnaissant…
Les origines de Joseph Kabila et les aventures de l'escroc
Etienne Diari
Sur un point particulier, les Congolais rendent un hommage
sincère à Erik Kennes : il a mis définitivement fin à l'intoxication
relative à l'origine de Joseph et de Jaynet Kabila. Erik écrit à la page
298 : "Les nombreuses précisions que nous
avons recueillies sur la naissance et la jeunesse de Joseph Kabila nous
conduisent à accepter la version officielle : Laurent Kabila et Sifa
Maanya sont effectivement les parents de Joseph Kabila."
Nous connaissons tous ce parti qui, en août 1998 s'est opposé farouchement
à la résistance populaire de Masina, Kimbanseke et Ndjili lors de l'entrée
des soldats rwandais, ougandais et rebelles dans ces communes.
C'est à ce
moment qu'un politicien bien connu a écrit : «
Il n'y a aucune raison d'envoyer à la mort la jeunesse de notre pays, ...
pour un problème politique principalement interne à la RDC qui peut être
résolu autour d'une table de négociation en vue de conclure un accord
politique global satisfaisant pour toutes les parties concernées. »
Aujourd'hui, ce parti est un des principaux alliés, sinon le principal, du
Rwanda belliciste de monsieur Kagame. Certains idéologues de ce parti ont
pris l'habitude de ne jamais prononcer le nom de Joseph Kabila, mais de
parler systématiquement de "Joseph Kanambe,
sujet rwandais…" Après le livre de Erik Kennes, tout patriote peut
fermer le bec aux individus qui continuent à répandre l'intox : "Joseph
Kanambe, Rwandais…"
Mais même après avoir écrit la vérité sur les origines de
Joseph Kabila, Erik Kennes garde ses deux pieds plantés en Belgique, et il
ne s'imprègne pas assez des réalités du Congo. Sinon, il n'aurait pas
écrit à la page 21 : "Dieudonné Kasongo
Kabwa, un des enfants de Taratibu et demi-frère de L D Kabila, a été nommé
chef de famille. Joseph succède à son père comme président, mais pas dans
les prérogatives de chef de la famille. D'abord, parce qu'il n'est pas le
fils aîné. … Il a paru plus sûr de recourir à un demi-frère de Laurent
Kabila. … Cet élément prouve que la position de Joseph Kabila dans la
filiation n'est pas très claire."
Le mot filiation renvoie à la descendance biologique. Erik affirme
catégoriquement que Joseph Kabila est bel et bien le fils de Laurent et de
Sifa Maanya, … pour insinuer une page plus loin que sa filiation "n'est
pas claire". Or, il faut être logique : une fois que Erik a dit que
Laurent et Sifa sont les parents de Joseph, il a tout dit sur la filiation,
qui est donc "très claire".
Erik est tombé dans le désarroi parce qu'il a confondu deux choses qui
n'ont absolument rien en commun : la filiation de Joseph et les règles qui
déterminent la préséance dans la famille africaine. Le chef de famille est
toujours un homme, un "sage", appartenant à la génération des plus
anciens. Tous les descendants de cette génération, sont collectivement
appelés "nos fils et nos filles".
Quand un demi-frère de Laurent Kabila est encore en vie, il est impossible
qu'un de "ses fils", en l'occurrence
Joseph, devienne chef de famille.
L'année passée, nous avons assisté au mariage de Cécile
Kabila, sœur cadette de Joseph et Jaunet, avec un citoyen américain, Eric
Chi. On m'a dit que la famille de ce dernier s'est présentée chez le
président Joseph Kabila pour traiter de la cérémonie traditionnelle et de
la dot. Joseph Kabila a bien sûr dit : "Il
y a un chef de la famille reconnu par tous, c'est Dieudonné Kasongo Kabwa.
Il faut vous adresser à lui…" Bref, il n'y a aucun rapport entre la
filiation de Joseph Kabila et le choix du chef de la famille.
Quand Erik traite de la naissance de Joseph et Jaynet, il
donne dans "l'à-peu-près" qui nuit à son ouvrage. Il dit à la page 298 : "L'accoucheuse
des jumeaux se serait appelée Mbekembeke Kisale, féticheuse de Kilenga
Saleh, puis féticheuse de Kabila pour le protéger au maquis contre les
forces maléfiques. Plusieurs éléments contredisent l'affirmation que
Kabila ne croyait pas à la sorcellerie."
L'accoucheuse s'appelait effectivement Mbekembeke Kisale : avec un peu
d'effort Erik Kennes aurait pu en obtenir la confirmation chez de nombreux
partisans. Le général Mwati m'a dit à ce propos ce qui suit. "Mbekembeke
Kisale était une accoucheuse traditionnelle que moi, en tant que principal
responsable du service médical, j'encadrais. Elle a d'ailleurs aussi fait
l'accouchement de ma femme lorsqu'elle a mis au monde notre bébé. Des gens
non familiers avec le maquis ont confondu accoucheuse traditionnelle et
féticheuse. La révolution de 1964 était dominée par une présence générale
de fétiches collectifs. Cela n'existait plus du tout dans la nouvelle
révolution de Kabila en 1967-77. Kabila était contre les fétiches, c'était
une des fameuses 7 erreurs de la révolution de 1964."
A la page 283, Erik revient sur ce thème en écrivant : "
Les combattants qui se trouvent à ROS (Kabambare) se démobilisent à partir
de 1980, tandis que leur chef, Jean Mpolo regagne le Quartier Général où
il est emprisonné et meurt de la maladie du sommeil. On nous a dit que
Mpolo avait tué le féticheur du PRP, M. Lulako Hemedi, ce qui indiquerait
que le mouvement marxiste n'était pas exempt de pratiques magiques…"
A ce propos, le général Mwati a eu ce commentaire : "Lulako
Hemedi était également un guérisseur traditionnel, qui était sous mon
autorité comme d'autres guérisseurs tels que Kimbulu, Shindanu Mukelo,
Sombelungu Bita, Kasisa Songo, Bululu… Dans la révolution du PRP, Kabila a
toujours combattu la croyance dans les fétiches qui avait fait tellement
de tord à la révolution de 1964-64. Bien sûr, nous ne pouvions pas
interdire aux masses d'avoir certaines croyances, mais nous les avons
éduquées pour qu'elles adoptent une vision plus correcte. En plus, le chef
Jean Mboko ne pouvait pas tuer quelqu'un, ce n'est pas lui qui décidait :
dans toute affaire de justice, il y avait toujours une commission et une
décision populaire."
Revenons sur l'escroc qui s'est présenté comme étant
Etienne Kabila, fils aîné de Mzee Kabila. Sans apporter preuves ou
indications, Erik affirme catégoriquement que cet individu est
effectivement le fils aîné de Laurent Kabila. Kabila aurait contracté un
mariage avec Françoise Kiza au camp d'entraînement de Kigoma début 1965 et
Etienne, leur fils, y serait né le 22 décembre 1965. Remarquons que lors
de sa conférence de presse à Sun City, Etienne mentionnait le 22 décembre
1969 comme sa date de naissance.
En 1965, Kabila n'avait pas de camp d'entraînement à Kigoma et aucun
partisan n'a vu Kabila vivre pendant toute cette année avec une femme
appelée Kiza.
Quant à la naissance de Etienne en décembre 1969 : cela est simplement
impossible parce que Kabila n'a jamais quitté le maquis entre 1967 et 1977
et Kiza n'y a jamais été !
Umba Johnson, qui était à côté de Laurent Kabila de 1960 à 1968, nous a
déclaré ceci : "Le
père d'Etienne était Diari Raphaël Kanezulu. Il était un des 20
combattants qui, le 27 octobre 1967, ont traversé le Lac pour organiser le
maquis du PRP. Diari était parmi eux et Françoise Kiza se trouvait déjà à
Kalemie. Diari est sorti assez vite du maquis et s'est rendu à Kalemie où
il a connu Kiza qui l'a envoyé auprès de Mobutu. Mobutu pensait pouvoir
utiliser Diari contre Kabila et il l'a obligé de retourner à Kalemie avec
la mission d'infiltrer le maquis et de tuer Kabila. Mais Diari a refusé
d'exécuter cet ordre et Mobutu l'a fait fusiller."
Revenons sur Etienne, le prétendu fils de Laurent Kabila.
Le livre de Erik lui-même contient assez d'éléments pour conclure que cet
Etienne est bel et bien un imposteur.
J'essayerai d'en faire la démonstration.
Erik nous apprend ceci. Adrien Kanambe était un originaire de Rutshuru, un
révolutionnaire congolais rwandophone, qui est devenu un grand chef
militaire au maquis du PRP. Il est mort au combat lors de Moba II. Nous y
reviendrons.
Erik nous apprend aussi que Kanambe a eu un fils avec Kestina Mbeya, fils
qui s'appelle Selemani et qui avait presque le même âge que Joseph Kabila.
Ces deux enfants ont été confiés à Honorine Mbeya.
Et Erik écrit : "Ceci a donné naissance à
la rumeur que Kanambe était aussi le père de Joseph…"
Erik note aussi : "Etienne prétend que
Joseph Kabila est le fils de Christopher Kanambe et de Marceline."
En réalité, cela aurait dû suffire pour que Erik conclu que ce fameux
Etienne n'est qu'un escroc, un petit voyou typiquement zaïrois…
En effet, Erik Kennes nous apprends ici que Etienne ne connaît pas le
prénom de Kanambe et qu'il ne connaît pas non plus le prénom, ni le nom de
la femme de Kanambe !
En effet, Kanambe ne s'appelle pas Christopher, mais Adrien.
Sa femme s'appelle Kestina, ce que l'escroc Etienne ignore.
Le voyou zaïrois a probablement entendu parler vaguement des deux sœurs
Mbeya. De la mention des noms Kestina et Honorine, il a gardé un souvenir
imprécis et il a lancé dans une conférence de presse que la femme de
Kanambe s'appelait : Marceline….
Un petit escroc se serait limité à ça.
Acceptons un instant que le fameux Etienne se croît honnêtement être le
fils aîné de Mzee Kabila.
Etre le fils aîné entraîne certaines responsabilités en Afrique. Etienne, "fils
aîné de Mzee", devait nécessairement avoir de l'amour pour ses jeunes
frères et sœurs. Mais non !
Notre Etienne est un véritable méga-escroc de la génération Mobutu. Excité
comme un taureau espagnol devant un drapeau rouge, il fonce ! Lui, le
Zaïrois, qui se prétend fils du Président, veut maintenant prouver que
Joseph n'est pas le fils de Laurent Désiré Kabila !
Celui qui veut prouver trop, ne prouve rien du tout et donne seulement la
preuve d'être effectivement un imposteur…
En effet, après de laborieuses recherches, Erik Kennes, que personne ne
peut suspecter d'être un fanatique de Mzee, est arrivé à la conclusion que
Joseph est effectivement le fils de Laurent et de Sifa… Et puis : si cet
individu qui s'appelle Etienne, était réellement le fils aîné de Mzee, il
aurait aussi un minimum de respect pour les combattants qui ont été avec
Laurent Kabila à Hewa Bora. Tous les hommes et les femmes qui ont vécu en
1971-78 dans le maquis, affirment catégoriquement que Joseph et Jaynet
sont bel et bien les enfants de Laurent Kabila et de Sifa Maanya.
Dans le livre d'Erik Kennes, nous apprenons à la page 301 que notre escroc
est aussi un voyou.
Lui qui se prétend "le fils aîné de Mzee" devait
avoir un minimum de la considération pour son "jeune
frère Joseph". Mais non, il se met à délirer et il pousse
l'outrecuidance jusqu'à accuser Joseph Kabila d'avoir été "l'artisan
de l'assassinat de Laurent Kabila…".
Ce fait aurait dû suffire à notre ami Erik Kennes pour classer le fameux
Etienne parmi les pires charlatans...
Ajoutons que Erik a commis à ce propos aussi une faute de
méthodologie. Alors qu'il rapporte pas mal de rumeurs sans fondement, il
semble ignorer que les prétentions de monsieur Etienne ont été contestées
publiquement à Kinshasa. Plusieurs journaux de Kinshasa ont publié des
articles pour contredire les prétentions d'Etienne. Et Kiza, la mère
d'Etienne, elle-même, a déclaré en public qu'Etienne n'était pas le fils
de Laurent Kabila.
Voici le témoignage de Umba Johnson. "Kiza
vivait à Matete, elle a déclaré n'avoir jamais eu un enfant avec Mzee, son
témoignage a été filmé. Le père d'Etienne s'appelait Diari Raphaël
Kanezulu. Nous avons traversé le Lac Tanganyka le 27 octobre 67 avec le
noyau d'origine du maquis dont faisait partie Diari. Françoise Kiza était
à ce moment déjà à Kalemie.
Plus tard, Diari est sorti du maquis et il s'est rendu à Kalemie où il a
connu Kiza. Cette dernière l'a envoyé auprès de Mobutu. Mobutu a ordonné à
Diari de retourner à Kalemie, de s'infiltrer dans le maquis et de tuer
Kabila. Diari a refusé de collaborer. Mobutu l'a fait fusiller."
Le Grand Livre des Rumeurs
Au Congo, tout événement politique est immédiatement
l'objet de campagnes de rumeurs, d'interprétations partisanes et
d'intoxication. J'estime que notre ami Erik Kennes n'a pas fait preuve de
la vigilance nécessaire à ce propos et qu'il a commis, pour cette raison,
plusieurs erreurs dans le domaine de la méthodologie. Voyons quelques cas
typiques.
Erik dit à la page 149 : "Selon
un témoin, l'abbé Tara : Mitudidi a quitté le maquis du Kwilu avec Mukwidi
par crainte de l'action violente à laquelle eux, les intellectuels, ne
voulaient pas s'associer".
Je connais bien le début du maquis de Mulele pour avoir interrogé à
Brazzaville, entre 1980 et 1985, un grand nombre de témoins privilégiés…
Si l'abbé Tara a effectivement dit cela, il a simplement fait une
interprétation subjective du départ de Mitudidi et Mukwidi pour Kinshasa.
Mais cela est peu probable, il faudra savoir dans quelles circonstances
Tara a fait ce "témoignage". En effet,
l'abbé Tara était tout à fait convaincu de la nécessité de l'action
révolutionnaire pour libérer le Congo du néo-colonialisme. Il enseignait
aux partisans l'expérience de la guerre du peuple en Chine. Au point que
Tara a occupé à un certain moment le poste de toute confiance de la
Sécurité de la Direction générale ! Et puis : Tara a aussi été instructeur
militaire des partisans : il était un grand expert dans le tir à l'arc et
il a assuré l'instruction en cette matière aux combattants !
Dans le cas précis du "départ" de
Mitudidi et Mukwidi : l'abbé Tara était témoin de quoi ? Certainement pas
de la "crainte" de Mitudidi et Mukwidi de la lutte armée qu'évoque notre
ami Erik ! En effet, le premier jour du maquis de Mulele, au soir du 1er
août 1963, il y avait cinq personnes présentes : Mulele, Bengila, Mitudidi,
Mukwidi et Mukulubundu.
Mitudidi et Mukwidi ont été envoyés le matin du 2 août à Kinshasa pour y
convaincre les nationalistes de prendre les armes. Mulele et Bengila
voulaient les faire venir au maquis du Kwilu pour s'y former et pour
ensuite implanter le même type de révolution dans leur région d'origine.
Dans la suite, Mitudidi et Mukwidi sont devenus des chefs militaires de
maquis importants. Mitudidi a été le chef d'état-major de Kabila et
Mukwidi a dirigé le maquis de Mai Ndombe où il est tombé en martyre près
de Nioki. Comment ces deux grands dirigeants révolutionnaires
pouvaient-ils, après avoir passé une seule nuit avec Mulele au village
Nkata, "quitter" le maquis par crainte de l'action armée que Mulele venait
d'initier ?
Un autre exemple typique. A la page 150, Erik écrit que,
selon Mitudidi, "Gbenye craignait que les
dirigeants de l'Ouest prennent le contrôle du mouvement, crainte peut-être
partagée par Soumialot et Kabila, mais ceci n'est qu'une hypothèse.".
Que Gbenye s'opposait à Mitudidi et Mukwidi était normal : nous avons ici
la divergence irréductible, non entre l'Est du Congo et l'Ouest, mais
entre révolutionnaires conséquents et réformistes.
En science, on peut formuler toute sorte d'hypothèses, mais il faut les
vérifier avant de publier un livre ! Erik ne l'a pas fait et, dans ce cas,
il ne s'agissait pas d'hypothèses, mais d'intox.
Comment Kabila pouvait-il craindre qu'un dirigeant de l'Ouest prenne le
contrôle de son mouvement ? C'est une hypothèse qui fait de Kabila un
régionaliste borné. Mais nous savons, et Erik Kennes sait, que c'est
Kabila lui-même qui a nommé Mitudidi chef de l'Etat-major de son armée sur
le front de l'Est !
Et il y a plus : Kabila, le nationaliste, l'anti-tribaliste et
l'anti-régionaliste, a nommé ensuite un autre dirigeant de l'Ouest, un
autre compagnon de Pierre Mulele, Gabriel Yumbu, vice-président du PRP !
Alors, qu'est-ce qui reste de l'hypothèse que Kabila 'partageait
la crainte que les dirigeants de l'Ouest prennent le contrôle du
mouvement' ?
A la page 281, Erik Kennes écrit : "Kabila
aurait été capturé plusieurs fois par les FAZ, mais il a toujours réussi à
se faire libérer sur une promesse de paiement d'une quantité d'or aux
soldats ravis".
Cette histoire n'est absolument pas crédible.
Qu'un Kabila "capturé", soit libéré en échange d'une quantité d'or, ça
pourrait encore passer, mais libéré sur la seule promesse de l'or ? Quels
soldats des FAZ vont libérer l'homme le plus recherché du "Zaïre" sur une
simple promesse ?
Le général Mwati a posé la question : "Mais
Kabila aurait été capturé où ? Il ne se déplaçait pas, il était le chef
suprême !"
Si Kabila avait été arrêté par les FAZ, tous les combattants l'auraient su.
Il y aurait eu des discussions très chaudes sur les circonstances qui ont
permis que le chef soit capturé par l'ennemi, et sur la responsabilité de
certains commandants et partisans dans cette affaire. Si Kabila avait été
fait prisonnier par l'ennemi, il est évident qu'au moins un partisan
aurait témoigné : "J'étais avec Mzee, il a
été pris par l'ennemi et voilà comment nous l'avons libéré en échange de
l'or."
Et puis, si Kabila avait été arrêté par les FAZ, il est évident que cela
se saurait chez Mobutu ! Et ceux qui auraient libéré Kabila, seraient sans
doute fusillés pour complicité avec l'ennemi !
Il est impossible qu'aucun soldat des FAZ n'ait témoigné sur un épisode
aussi spectaculair. Il y aurait eu des aveux de soldats : "Nous
avons pris Kabila à tel endroit, mais le commandant X l'a libéré pour de
l'or."
Erik écrit à la page 2002-203 : "Il
est surprenant, pour le moins, qu'un groupe de Luba puisse se faire
accepter par les Bembe qui les avaient vivement critiqués l'année d'avant.
Selon nos sources, le critère essentiel a été l'accès aux contacts et au
financement extérieurs.…Ces contacts restent essentiellement chinois.
Selon deux de nos interlocuteurs, Kabila amène…des photos de propagande de
Pékin qui ont fait croire aux combattants Bembe qu'à la frontière
congolaise des hordes de Chinois n'attendaient que le signal de Kabila
pour venir leur prêter main forte."
On comprend que pour un "témoignage" aussi
creux et grotesque, les informateurs de notre ami Erik Kennes ont tenu à
se draper dans l'anonymat.
Nous ne voyons rien de "surprenant" à
ce que des révolutionnaires luba soient acceptés par des nationalistes
révolutionnaires bembe… Ne s'étonne que celui qui a un esprit tordu par
l'ethnicisme.
La grande majorité des populations bembe est nationaliste de longue date.
Ces masses ont constaté que l'échec de la révolution de 64-65 a été causé
par plusieurs facteurs : l'individualisme des chefs, le manque de
conscience politique, les espoirs placés dans l'aide qui devait venir de
l'étranger, l'utilisation de fétiches pour compenser l'absence de
connaissances militaires…
Et le tout jeune chef, Laurent Kabila, n'était pas souvent au maquis en
64-65.
Le Kabila qui rentre au Kivu en octobre 1967 est un homme complètement
transformé par ses six mois de formation politico-militaire en Chine. Le
général Sikatend nous a déclaré : "Le
groupe de Kabila a été accepté en 1967 par les Babembe à cause de son
discours politique, ils ont cru en ce groupe. Kabila et ses hommes sont
venus sans argent, mais ils avaient des idées politiques claires et justes.
Les Babembe n'étaient pas tribalistes : ils acceptaient toute personne qui
avait les idées du sauveur Patrice Lumumba. A cette époque, l'unique idée
qui mobilisait le peuple était la Patrie et le Changement. L'élément clé
pour comprendre le maquis de Kabila, c'est l'esprit très patriotique et
révolutionnaire qu'avaient les masses bembe.".
Ici aussi nous constatons que Erik s'est fié à des informateurs
adversaires de Kabila et qui ne pouvaient pas connaître et analyser les
véritables motivations des combattants. Les masses bembe qui ont suivi
Kabila et le PRP sont décrites comme un assemblage d'individus cupides à
la recherche de financements extérieurs et de contacts à l'étranger. Or,
il suffit de discuter avec les cadres et combattants qui sont
effectivement restés avec Kabila entre 1967 et 77 pour comprendre qu'Erik
s'est laissé "intoxiquer" par des
éléments hostiles au PRP ou par des ignares.
En effet, tous les témoins affirment que l'enseignement des "Sept
Erreurs" à été à la base de l'éducation politique pendant toute la
durée du maquis. La deuxième erreur consistait à "compter
sur les aides extérieures étrangères pour remporter la victoire".
Quand Erik écrit que le critère essentiel pour l'adhésion des Babembe à la
lutte de Kabila et du PRP a été "l'accès au financement extérieur" il
s'est fié aux dires des ennemis du PRP et il n'a fait aucun effort pour
vérifier cette rumeur. En effet, où, quand et par quel biais est que ce
fameux "financement extérieur chinois" serait
arrivé à Hewa Bora ? C'est une simple fiction.
Même l'apport d'armes chinoises au maquis du PRP a été extrêmement limité.
Le général Mwati affirme ne jamais avoir vu une quelconque aide militaire
de Beijing. Il m'a dit : "Après une année
de formation politique dispensée aux militants, a commencé, enfin, en 1968
la "Longue Marche" dans villages et les cantonnements avoisinant Hewa Bora.
On a récupéré beaucoup d'armes et de munitions. On a dû les cacher dans
des rochers. Je peux jurer que depuis mon arrivée au maquis, je n'ai vu
aucune arme, aucune balle qui était venue de l'extérieur pour
approvisionner Hewa Bora."
De même, le général Mwati contredit catégoriquement l'affirmation que
Kabila manipulait des photos pour faire croire que "des
hordes chinoises" étaient prêtes à descendre en armes pour "assister" la
révolution congolaise. Ceux qui font ces déclarations sont des imposteurs
ou des fabulateurs et ce n'est pas avec des personnages pareils qu'on peut
écrire l'histoire. Mwati : "
Des hordes de chinois qui allaient venir nous aider ? Mais c'est un
mensonge, c'est le contraire que Kabila enseignait. La deuxième erreur de
la révolution de 1964 était : "Compter sur l'aide extérieur". Kabila
enseignait que l'effort interne est essentiel pour la révolution, qu'il ne
faut jamais compter sur l'aide extérieur.
Il répétait toujours et partout : "Kudji te gemea" : Compter sur nos
propres forces."
Des assassinats imaginaires en série !
Quand j'ai lu l'ouvrage d'Erik, j'ai souvent eu
l'impression de parcourir le Grand Livre des Rumeurs… Une des lignes
directrices qui se dégagent du livre est résumée à la page 231 : "Chez
les témoins directs ou indirects du maquis une accusation revient : Kabila
veut établir son autorité absolue, jusqu'à faire éliminer tout cadre qui
pourrait lui porter ombrage."
Ce qui revient à dire que Kabila a été un tyran sans scrupules, qui, selon
les témoins directs et indirects, faisait tuer les cadres dès qu'ils lui
portaient ombrage.
Cette thèse n'est pas seulement repoussée avec indignation par tous les
cadres qui se sont battus pendant de longues années aux côtés de Mzee,
mais elle est, dans le livre d'Erik, uniquement basée sur des rumeurs, des
"on dit" et de l'intox…
Ouvrons donc le Grand Livre des Rumeurs sur le chapitre consacré aux "assassinats" de
Kabila…
Au Katanga, la lutte pour l'indépendance a été marquée par
l'antagonisme entre le Conakat de Tshombe, qui acceptait une indépendance
formelle et exigeait un état fédéral, et la Balubakat, dans sa majorité
nationaliste et unitariste.
Un groupe d'enseignants avait été envoyé juste avant le 30 juin 1960 à
E'ville pour un recyclage. A leur retour, ils étaient considérés comme
sympathisants de Tshombe et de la Conakat. Parmi eux, Taratibu, le père de
Laurent Kabila, considéré comme l'"ami des
Belges". Avec six autres, il fut arrêté par "le
Sénat" d'Ankoro - organe de lutte nationaliste - et tabassé.
Finalement trois personnes furent condamnées à mort, Taratibu, Mujinga et
Kifwa Gérard. Ils ont été exécutés le 13 novembre 1960 par la jeunesse
d'Ankoro au village Kazungu.
Erik Kennes écrit à la page 65 : "Selon
plusieurs témoins, Kabila était présent lors du massacre d'Ankoro. Les uns
prétendent qu'il a activement participé aux assassinats (cela paraît fort
peu probable), d'autres avancent qu'il était révolté et résolu à se venger."
En fait, c'est ainsi que le livre de Erik Kennes crée insidieusement
l'image négative de Laurent Kabila : c'est un homme qui pourrait bien
avoir participé à l'assassinat de son propre père, quoique cela soit peu
probable…
Erik publie à la page 342 un long témoignage de Ildephonse Mwamba, un des
six personnes arrêtées avec Taratibu et "jugées".
Il est évident que si le fils de Taratibu avait participé à l'assassinat
de son père, ce témoin l'aurait évoqué. Il ne la fait pas.
Le même témoin mentionne qu'un "grand
camion de 10 tonnes plein de jeunes de la Balubakat d'Ankoro suivait et
ils seront présents lors de l'exécution". Tous ces jeunes d'Ankoro
connaissaient Laurent Kabila. Si ce dernier aurait participé à
l'assassinat de son propre père, tout le monde aurait parlé de ce crime
abominable. Il est donc évident que les "rumeurs" sur la participation de
Kabila ne sont que de l'intox…
Mais le ton est donné : à tout propos, on peut mentionner des rumeurs
malveillantes qui finalement façonnent l'image d'un Kabila impitoyable,
cruel et assassin…
A la page 140-141, Erik Kennes discute l'élimination de
Jason Sendwe lors de la deuxième prise de Albertville par les forces
armées nationalistes. Il conclut que la version qui impute cette
élimination au commandant lumumbiste Saidi Saleh Mukidadi, est le plus
vraisemblable. Le commandant a voulu se venger de la dure répression qui a
suivi la première prise d'Albertville, le 27 mai 1967.
Mais ensuite, Erik ajoute ceci. "Quelques
jours après les faits, des rumeurs persistantes font état de la
responsabilité directe de L. Kabila et I. Masengho dans la mort de Sendwe"."Tous
les témoignages concordent sur volonté Kabila ne pas tuer Sendwe. Et au
moment de la deuxième prise d'Albertville, Kabila n'était pas sur place". "L'implication
de Kabila n'est pas du tout prouvée." Une fois qu'il est prouvé que
Kabila n'était pas à Albertville lorsque Sendwe a été éliminé, la
conclusion s'impose que Kabila n'est absolument pas impliqué dans cette
affaire.
Dire que son implication n'est pas prouvée, laisse entendre qu'un jour les
preuves de cette implication pourraient être avancées… Puis Erik dit : "Tout
au plus pourrait-on dire que Laurent Kabila a contribué à créer un climat
propice à l'assassinat de Sendwe". Dans quel "climat" Saidi
Saleh Mukidadi a-t-il tué Sendwe et comment pouvez-vous prouver que Kabila
a aidé à créer ce "climat" particulier ? C'est une affirmation gratuite
qui n'est basée sur rien, mais qui nous présente déjà un Kabila "créateur
de climats propices à des assassinats"…
A la page 189, Erik Kennes écrit : "Selon
une source, L. Kabila a prétendu en 1968 (avec ses adjoints Umba Jeanson
et Muyumba, avoir liquidé les "traîtres" Bocheley-Davidson et Thomas
Mukwidi, un proche de Mulele."
La source que Erik cite ici est le CEDOPO de André Louagie, ancien cadre
de la Sûreté belge au Kivu et Katanga ! Pourquoi sortir une "information"
policière qui est probablement de l'intox ?
Et effectivement ; Erik Kennes affirme ailleurs dans son livre que
l'assassinat de Bocheley par Kabila n'est effectivement que de l'intox.
Kennes rapporte de source sûr que Bocheley avait pénétré fin 1967 dans le
maquis contrôlé par Soumialot. Les hommes de Soumialot ont donné l'alerte
qu'un traître s'approchait. Et, en conséquence, un des chefs du maquis,
Mushubasi, a tué Bocheley.
Quant à Mukwidi, il n'a jamais mis les pieds au maquis du Kivu, il opérait
à partir de Brazzaville et il a créé un maquis dans le Mai Ndombe. C'est
là qu'il sera tué en 1968 dans les environs de Nioki.
Et les accusations sanglantes vont crescendo. A la page 232
nous lisons ceci. "Par son comportement
personnel, Kabila n'a jamais réussi à garder longtemps ses collaborateurs.
Des soupçons ont pesé sur Kabila pour la mort de Masengho. Ils étaient
effectivement en conflit de leadership et aucun des deux n'était de
tempérament conciliant. On a révélé aussi que la veuve de Masengho se
trouvait à côté de Maman Sifa lors de l'enterrement de Kabila."
Que la veuve de Masengho était à l'enterrement de Kabila aux côtés de Sifa,
est plutôt une indication claire que les bruits de l'implication de Kabila
dans la mort de Masengho ne sont que de l'intox !
Le simple fait que Masengho est mort au maquis, suffit à Erik pour dire
que "Kabila ne peut pas garder longtemps
ses collaborateurs" et que des "soupçons
pèsent sur Kabila pour la mort de Masengho". Aucun semblant de preuve,
nous sommes dans le domaine des rumeurs gratuites et de l'intox pure.
Est-ce ainsi qu'en Belgique on apprend à écrire l'histoire de la
révolution congolaise ?
Il n'était absolument pas difficile pour le chercheur qu'est Erik Kennes
de vérifier les rumeurs qu'il a captées. Il lui suffisait de contacter un
des fidèles de Kabila.
Et c'est ce que j'ai fait.
Je suis allé voir le général-major Lwetscha pour demander s'il y a des
témoins de la mort de Masengho. Bien sûr, il y en a.
Trois jours plus tard, je me trouvais chez Lwetscha en compagnie du major
Henri Mastaki. Il m'a sorti immédiatement une liste de 12 noms, à
commencer avec celui de Masengho et le sien. Ils étaient 12 chefs
politiques et militaires, envoyés en mission pour organiser le maquis dans
les six zones de Kongolo, Kabalo, Nyunzu, Kalemi, Moba et Manono. Les 12
chefs étaient accompagnés d'une escorte.
Ils sont partis de Makanja, centre du maquis de Kabila, le 9 mars 1969. Le
13 mars, ils devaient passer Lulimba vers 05h00, mais il faisait déjà
clair lorsque les combattants n'étaient pas encore loin de ce village. Des
gens ont remarqué des traces fraîches. Peu après, le groupe a été attaqué
par surprise par les FAZ et Jean René Lambo a été arrêté.
Les autres combattants se sont regroupés au sommet d'une montagne le 14.
Ils y sont restés jusqu'au 16 et ont marché ensuite dans la direction de
Force Bendera. Le 16, ils sont arrivés devant la rivière Kimbi qui était
en cru. Ce n'est que le 19 qu'ils ont réussi à traverser l'eau. Les
poursuivants étaient toujours sur leurs traces. Deux combattants se sont
noyés.
Devant une autre rivière difficile à passer, une partie du groupe, avec
Masengho, traverse, les autres cherchent de l'aide chez les villageois. Le
25, ils entendent tout près des coups de feu des FAZ. Les partisans
décident de traverser l'eau au risque de mourir plutôt que de tomber dans
les mains des mobutistes.
Le 26 mars, de l'autre côté de la rivière, ils trouvent les traces du
groupe Masengho. Elles conduisent vers le village Kianga, un village de
pygmées. Le chef leur dit que leurs amis sont tout prêts. Ils suivent le
chef… mais sont conduits chez les FAZ de Jean Mulula. Nous sommes le 28
mars. Masengho avait déjà été arrêté plusieurs jours auparavant.
Le 2 avril, tout le monde est conduit à Kalemie. Les FAZ font des meetings
dans différentes localités pour annoncer que Masengho, le bras droit de
Kabila, est arrêté. De Kalemie, les combattants sont amenés le 19 avril à
la base de Kamina et le 20 à Lubumbashi. Le 21 avril, Masengho et Fumbu
Mwemedi sont séparés du reste du groupe qui est mis dans des cachots au
Camp Simonet. Le 24 avril, Henri Mastaki voit arriver l'escorte de
Masengho. Elle lui apprend que le chef a été condamné par une cour où
figuraient Jean Mutombolo et le capitaine Ndele. Ensuite Masengho a été
exécuté à la prison de Kasapa.
Alors, après cette petite vérification, que reste-t-il de l'affirmation
que "Kabila n'a
jamais réussi à garder longtemps ses collaborateurs. Des soupçons ont pesé
sur Kabila pour la mort de Masengho" ?
A la page 235, Erik Kennes nous apprend que Kibwe Cha
Malenga, un intellectuel marxiste-léniniste bien formé, est tombé dans une
embuscade des FAZ en novembre 1978. Puis il commente : "C'est
cette disparition qui va contribuer le plus à alimenter les rumeurs
imputant à L. Kabila de multiples trahisons de ses propres cadres qui
étaient susceptibles de lui porter ombrage. Dans ce cas précis, il n'est
pas impossible que Kabila se soit réjoui de l'élimination de Kibwe : ce
dernier avait été son adversaire politique". "De nombreux soupçons planent
sur Kabila pour l'élimination de Kibwe Cha Malenga. Selon un témoignage la
femme de Kibwe logeait chez Kazadi Nyembwe ; elle aurait eu après la
disparition de Kibwe, un enfant de Kabila."
Il ne nous sera pas difficile de démontrer une fois de plus que le moulin
à rumeurs et la fontaine de l'intox ont à nouveau fonctionné à l'intensité
maximale.
Que la femme de Kibwe loge chez Kazadi et qu'elle aura un enfant de Kabila
: quel rapport avec l'insinuation que Kabila a été pour quelque chose dans
la mort de Kibwe ?
J'ai demandé au général Mwati s'il y avait des témoins de l'embuscade dans
laquelle Kibwe est tombé. Il m'a dit ceci. "Non,
parce qu'il n'y a pas eu d'embuscade ! Mais je suis bien au courant de ce
qui s'est passé avec le groupe de Kibwe, ma femme Jeanne Balolwa en
faisait partie. En 1978, nous étions à Wimbi, près du Lac. C'est à ce
moment que la famille la famille de Kabila, avec Sifa, Jaynet et Joseph, a
traversé pour la Tanzanie. Là-bas à Wimbi, il n'y avait plus de nourriture
dans la forêt. Il fallait rentrer à Hewa Bora. Une première colonne avec
l'Etat-major général, a pris la route vers Hewa Bora. Puis, deux semaines
plus tard, une seconde colonne est partie avec l'état-major particulier de
Kabila, dont Delphin Ngoma était le chef. S'y trouvaient : Kibwe Cha
Malenga, Salumu, mon épouse, ainsi que Kulimba Agnès, l'épouse de Kibwe.
Dans ce groupe, personne ne connaissait la région, et tous étaient en
train de mourir de faim dans la forêt. Ceux qui étaient robustes
persistaient, les autres restaient derrière. Morton Kibungu a devancé
cette colonne pour nous prévenir : 'L'état-major particulier ne peut plus,
il faut aller les aider.'
Entre-temps, Ngoma et Kibwe avaient décidé de retourner vers le Lac. Ils
sont tombés sur le village Mapapaye… où il y avait une troupe des FAZ. Il
n'y a pas eu de combat. Les combattants, complètement épuisés par la
famine, se sont rendus. On les a amenés à Kalemie, et là les femmes ont
été libérées. Ngoma a survécu. Kibwe Cha Malenga a été arrêté, emprisonné
et tué quatre années plus tard dans la prison de Luzumu au Bas-Congo…Erik
Kennes reconnaît que "c'est la mort de Kibwe qui a contribué le plus à
alimenter les rumeurs imputant à Kabila de multiples trahisons de ses
propres cadre."
Après la petite vérification que nous avons faite, que reste-t-il de
l'accusation grave que Kabila a trahi beaucoup de ses cadres qui
pourraient lui porter ombrage ? Rien.
Après les insinuations que Kabila a fait tuer deux de ses
plus proches collaborateurs, Erik Kennes évoque une troisième "condamnation
à mort décidée par Kabila". Ce dernier cas montrera de façon encore
plus dramatique que les rumeurs et intoxications habituelles dans les
milieux politiques zaïrois peuvent mener un chercheur européen non averti
à sa perte…
Nous parlons de la mort d'Adrien Kanambe, l'homme que nous avons déjà
rencontré en sa qualité de "Rwandais, père
biologique de Joseph Kabila". Nous entrerons maintenant en contact
avec un Kanambe exécuté de façon barbare par … Laurent Kabila et cela à
trois reprises!
Décidément, il était très méchant, ce Laurent Désiré Kabila !
A la page 264, Erik écrit : "Des rumeurs
persistantes font état de certains décès 'voulus' par Kabila pendant les
guerres de Moba. Un jeune dirigeant apparemment populaire, Adrien Kanambe,
est tué lors de la première guerre de Moba, Kabila s'étant, selon la
rumeur, ainsi débarrassé d'un leader qui pourrait lui porter ombrage."
En réalité, après la défaite de Moba I, une réunion de la direction du PRP
a décidé que Kanambe devait maintenir un maquis dans la région de Moba,
organiser l'espionnage sur l'ennemi et protéger la population contre les
représailles des FAZ. Mais de sa propre initiative, Kanambe a abandonné la
population qui est tombée victime d'une répression féroce. Adrien Kanambe
fut jugé, condamné, dégradé et puni aux coups de fouet.
Adrien Kanambe, déjà tué par Kabila lors de la première guerre de Moba à
en croire la page 264 du livre d'Erik, sera le seul ressuscité du maquis
qui aura l'honneur, selon la page 291 du même ouvrage, d'être assassiné
une seconde fois "dans cette seconde
attaque de Moba et cette mort passe pour une condamnation décidée par L.
Kabila".
Etre tué à deux reprises par ce même personnage méchant qui
s'appelle Laurent Kabila, c'est bien sûr une affaire très grave. Erik
Kennes le confirme à la page 291 : "En
tout état de cause, cette affaire joue un rôle important dans la
désintégration du PRP, servant de justification à la contestation du style
autoritaire de son Président." Nous sommes donc invités à croire que
Mzee Kabila a été excessivement autoritaire et dictateur pour avoir tué
Kanambe lors de Moba I et de l'avoir achevé une seconde fois lors de Moba
II en 1985.
Précisons tout de suite que Kabila n'a pas tué Kanambe lors de Moba I, ni
lors de Moba II…
Mais nous sommes en pleine lecture des aventures rocambolesques du Livre
des Rumeurs.
En cette manière Erik est rigoureux. Et les Rumeurs, qui ont tué Kanambe à
deux reprises, peuvent évidemment le massacrer une troisième fois.
Et effectivement, Erik nous présente à la page 291 la troisième version de
la mort du vaillant Adrien Kanambe à Moba. "Cette
exécution serait liée à l'assassinat, par Kanambe, d'un combattant du nom
de Domo Ramassani, pour avoir ravi son épouse, Mme Sipola, la sœur de
Yermos Lukole Madoa Doa. Elle fut la première amante de Laurent Kabila à
son arrivée à Lulenge."
Et voilà comment le méchant Kabila, ex-amant de Sipola, dont le mari,
Ramazani, a été tué par Kanambe, peut bien avoir trouvé dans cette affaire
louche une raison pour organiser ce troisième assassinat de Kanambe…
Le général Mwati a eu loisir d'observer ces trois morts d'Adrien Kanambe…
Sur la troisième, il m'a dit ceci : "Jomo
Ramazani n'a été assassiné par personne, il est simplement décédé et son
épouse Sipola est restée seule, elle n'a pas été ravie par Kanambe… "
Revenons une dernière fois sur la mort de Kanambe, sa quatrième mort et la
vraie !
Le général Mwati a fait ce témoignage. "Kanambe
a été tué lors de la seconde guerre de Moba par les FAZ. Le vaillant
combattant a été tué par un obus qui l'a frappé de plein fouet. Moi-même,
j'ai enterré le peu de ce qui est resté de son corps. J'ai seulement pu
enterrer des morceaux d'un bras et des morceaux de la tête…"
A la page 231, Erik tire une conclusion générale de tous
les "assassinats" qu'il a gratuitement attribués à Kabila : "Chez
les témoins directs ou indirects du maquis du PRP, une accusation est
récurrente : celle que L. Kabila veut établir son autorité absolue, refuse
le dialogue et surtout la contradiction, et va jusqu'à faire éliminer
physiquement tout cadre qui pourrait lui porter ombrage".
Nous avons prouvé en détail que tous les exemples que Erik Kennes utilise
pour prouver que Kabila fait massacrer tous ses "concurrents" potentiels,
sont faux et que Kabila n'était pour rien dans tous ces morts. La
conclusion générale que Erik formule ici, affirmant que Kabila "fait
éliminer tout cadre qui pourrait (!) lui faire ombrage", est une
véritable aberration.
Les préjugés de notre ami Erik Kennes contre Laurent Désiré
Kabila sont tellement tenaces, qu'il les a étendus au-delà des périodes
des maquis de 1964-1995 jusqu'à l'émergence de l'AFDL. Erik écrit : "Le
seul groupe armé "congolais" de quelque importance à cette époque est
celui de Kissasse Ngandu. Pour L. Kabila, c'est le concurrent le plus
direct dans la course au pouvoir. L'assassinat de Kissasse en janvier 97
par des soldats rwandais va donc lui rendre un fameux service."
Nous savons comment Kissasse a été tué sur ordre de Kagame. La Sécurité
ougandaise a déclaré en février 1997 ceci au général-major congolais
Joseph Otenga, qui fut alors très proche de Museveni. "En
route pour Bunia, le convoi de Kissasse Ngandu a été arrêté par l'officier
rwandais Nziza. Ce dernier s'est approché de la voiture de Kissasse pour
abattre ce dernier."
Ainsi, aux yeux de Erik Kennes, l'assassinat de Kissasse aurait rend un
grand service à Kabila ? Ne dit-on pas qu'il faut analyser à qui profite
le crime, pour en connaître le véritable instigateur ? L'insinuation est
claire.
Mais pourquoi, Erik Kennes ne tire-t-il pas la conclusion opposée de cette
affaire ?
En effet, l'assassinat de Kissasse fut un désastre pour Kabila, puisqu'il
perdait le seul dirigeant militaire nationaliste qu'il avait à ses côtés à
la tête des troupes congolaises. Et puis, l'assassinat de Kissasse était
aussi un avertissement clair à Kabila qu'il pourrait être la prochaine
cible de Kagame….
"Au maquis, il n'y avait
pas de 'dictature', mais un pouvoir populaire"
Dans le Maquis Imaginaire que notre ami Erik Kennes nous
peint dans son essai d'autobiographie de Laurent Kabila, ce dernier
apparaît comme un dictateur qui ne supporte pas la contradiction et refuse
toute forme de dialogue. A la page 231, Erik dit : "
Chez les témoins directs ou indirects du maquis une accusation revient :
Kabila veut établir son autorité absolue, refuse le dialogue et surtout la
contradiction."
J'ai demandé l'opinion du général Mwati sur cette assertion.
"C'est absolument
faux que Kabila voulait avoir une autorité absolue sur tout. Seul les gens
qui n'ont pas vécu avec Mzee ou les aigris et les traîtres peuvent avoir
tenu des propos pareils à Erik Kennes.
Pour chaque action à entreprendre, il y avait une Commission. On
respectait ce que la commission avait décidé. Kabila laissait de
l'autonomie à chaque département. Il disait toujours : 'Il faut réfléchir
: est-ce que cela donne un avantage au parti ? Si oui, il faut le faire,
si non, vous laissez tomber'.
En 1975, il y a eu une réunion du CC à laquelle j'ai assisté. J'étais au
Secrétariat du CC. Kabila a dit lors de cette session : 'Cherchons à tout
prix des intellectuels. Il n'y a pas de révolution sans intellectuels.
Sans les intellectuels, la révolution est comme une termitaire, ça ne
progresse pas, c'est comme une maison sans fenêtres et sans porte.'
Mzee n'était pas autoritaire, il formait les gens politiquement et ensuite
il laissait les cadres gérer.
Moi, lorsque j'étais assistant médical à Kasika, je pensais que ce Kabila
était un voyou, un homme barbare, un homme qui a échoué dans la vie. Moi,
j'ai chanté le MPR. J'ai été pris de force par l'Armée Populaire de Mzee à
Kasika. J'avais donc des raisons pour être contre Kabila.
Mais quand je l'ai vu pour la première fois, il parlait avec simplicité et
précision, sans aucune brutalité.
J'étais étonné, je l'ai entendu parler, je l'ai écouté et j'ai été
convaincu par ses idées politiques.
Quand je suis arrivé au maquis, je n'avais aucune notion politique, rien,
absolument rien Je chantais Mobutu comme tout le monde. C'est ce grand
homme, Kabila, qui m'a ouvert le cerveau. Des commissaires politiques de
l'armée faisaient des causeries morales sur l'impérialisme. C'est au
maquis que j'ai appris ce que l'impérialisme a représenté dans l'histoire
du Congo. Maintenant, je suis capable de faire une analyse. Une
autocritique et une réconciliation ont des principes. Qui a eu tord, qui a
eu raison ? L'Accord global, c'est bon, mais il faut savoir qui a été
fautif. A-t-il demandé pardon ? J'ai appris cela au maquis.
Kabila n'était pas non plus autoritaire lorsqu'il fallait prendre des
décisions politiques ou militaires. Kabila ne décidait jamais seul, il
soumettait toujours le problème au Comité Central, au Comité
Révolutionnaire, au peuple.
Mzee n'acceptait jamais qu'on condamne quelqu'un sans qu'il soit entendu.
Lorsqu'un informateur se présentait devant Mzee en parlant du mal de
quelqu'un, Mzee lui demandait quels conseils il avait donné pour qu'il se
corrige. Il arrivait que Kabila cherchait l'homme calomnié et qu'il le
mettait face à face avec celui qui calomniait. Il demandait alors de
répéter les accusations en présence de l'accusé.
Si monsieur Kennes avait eu la chance de vivre ne fut ce qu'une semaine au
maquis avec Kabila, il n'écrirait pas ce qu'il a mis dans son livre…"
Et Joseph Mwati aborde un autre sujet qui a trait à la
démocratie : les relations au maquis entre l'armée et les civils.
"Lorsque Philippe Borel nous a visités à
Hewa Bora, il a causé avec Onorate qui dirigeait l'Organisation des Femmes
Révolutionnaires Congolaises à Fizi - Kilembe. Nous travaillions à
l'émancipation de la femme. Euphrasie Manganza était la présidente du
Tribunal Civil. Elle jugeait tout le monde.
La population avait son mot à dire. Elle était organisée dans des Chembe
Chembe.
Une personne qui se sent maltraitée, par exemple parce qu'on lui donne
toujours beaucoup de travail dur, va se plaindre chez l'agent de sécurité.
Celui a le droit d'interroger n'importe qui. Il va tenter de réconcilier
les partis. Sinon, l'affaire passe au tribunal.
Pour de petits conflits, notre principe était de laisser passer une nuit
et de rediscuter pour se réconcilier par la critique et autocritique. Si
cela ne marchait pas, le chef du Chembe Chembe prenait l'affaire en main.
Le chef militaire et les cadres politiques conseillaient.
Quand il y avait un cas de diffamation, de vol, d'adultère, l'affaire
était soumise à l'agent de sécurité qui faisait un rapport pour l'échelon
supérieur. L'Administration Civile Révolutionnaire vérifiait alors le cas
et s'en chargeait.
Mais si c'était un cas grave, elle le transmettait au Tribunal. Il pouvait
s'agir d'une affaire de sécurité publique, de tentatives de démoralisation,
d'incitation à la désertions, des vols graves…
Quand le tribunal condamnait un coupable à mort, est-ce que Kabila
intervenait ? Ce n'était pas Kabila qui décidait, mais le peuple réuni !
Qui faisait les enquêtes ? Les Procès Verbaux ? C'étaient des
représentants du peuple. Il n'y a jamais eu de tribunal plus démocratique,
c'était le jugement par le peuple.
Nous étions libres, c'est une aberration de dire que le maquis était 'militarisée'.
Quand l'armée avait besoin de quelque chose, elle devait adresser une
demande à l'Administration Civile Révolutionnaire dirigée par Malaka
Baudouin. Cette organisation civile était libre, elle n'était pas dirigée
par les militaires. Si des soldats de notre armée veulent loger dans une
Cité agricole, ils devaient montrer leur ordre de mission. Des militaires
malades qui voulaient séjourner dans une Cité agricole devaient aussi
présenter une feuille de route qui indiquait d'où ils venaient, chez qui
ils se rendaient pour quel motif et pour combien de jours? Le délai passé,
les responsables de la Cité leur disaient de partir."
Voilà ce que Joseph Mwati avait à dire sur certaines erreurs graves de
l'ouvrage d'Erik Kennes. Il y a des dizaines d'autres témoins qui
connaissent des épisodes inconnus. Que l'exemple du général Mwati les
encourage à parler…
A la page 264, Kennes écrit : "Kabila,
qui n'écoutait plus ses conseillers, décida d'éradiquer la sorcellerie de
son mouvement. Un tri se fait entre les gens considérés comme sorcier ou
sorcière sur base de l'épreuve du 'mwavi'. La personne trouvée 'positive'
est brûlée vive. C'est ce style de décision de Kabila, de plus en plus
autoritaire, qui est à la base des tensions et des nombreuses défections."
C'est ridicule d'affirmer que Kabila a "imposé" l'éradication
des sourciers, et cela contre l'avis de ses conseillers. Quels sont ces
conseillers que Kabila aurait dû "affronter" pour
imposer sa "décision autoritaire" d'éradiquer
les sourciers et sorcières ?
La croyance dans la sorcellerie était très ancrée chez les Babembe, et
l'épreuve du 'mwavi', entre autres pour découvrir les voleurs, les
menteurs ou les sorciers, date déjà d'avant la colonisation. Kabila
faisait la révolution avec les masses et il ne pouvait pas s'opposer
directement à leurs croyances traditionnelles. Il arrivait qu'on condamne
un sorcier à mort, qu'on le brûle vif. C'étaient les Babembe qui
décidaient.
Kabila n'avait strictement rien à faire avec cette croyance dans la
sorcellerie qui était générale chez les masses. Kennes cite "un
témoin" qui aurait dit : "Kabila
voulait obliger les sorciers et sorcières à lui céder leur pouvoir magique". Mais
Kabila, qui ne croyait pas dans la sorcellerie, qu'est-ce qu'il allait
foutre avec ce "pouvoir magique" ? La
quatrième erreur qu'il enseignait avec constance, n'était-ce pas la
croyance dans les fétiches ?
Le général Mwati a également témoigné sur l'utilisation du
'mwavi'.
"Quand il y avait une affaire judiciaire,
certains préféraient passer directement par le 'mwavi' pour prouver leur
innocence ! Tout le monde croyait au mwavi.
Moi, je pensais que les gens maigres et faibles devaient plus facilement
s'effondrer après avoir bu le mwavi.
Mais un jour, il y a eu un problème avec le chef d'une cité agricole. Il
était venu régulièrement retirer du maïs, des poissons, de la viande fumée
du dépôt. Il prenait sans noter dans le carnet ce qu'il avait pris. Un
jour, les responsables ont constaté que beaucoup de choses manquaient. Il
y a eu un tribunal. Le chef de la Cité a dit qu'il n'avait rien pris. Le
gardien disait : 'Le chef m'a dit de lui remettre beaucoup de choses et
j'ai seulement obéi.' Le gardien était chétif, le chef un gars robuste de
plus de 80 kilos.
Le lendemain à 08h00, ils ont préparé la potion. Ce n'était qu'une petite
quantité qu'il fallait boire. Chacun faisait le serment : 'Si c'est moi
qui ai pris la nourriture du stock, que le mwavi me condamne'. Après trois
minutes, le chef est tombé et a eu des convulsions…
J'ai réfléchi sur ce qui se passe au tribunal avec le mwavi. Il est
possible que le mwavi ait un effet psychologique très fort sur celui qui
se sait coupable...
Vers 1974-75, des agents de la sécurité mettaient beaucoup de poison,
appelé mitembe, dans la boisson. Que tu sois coupable ou pas, tu tombais
avec des convulsions et tu étais coupable… Quand une femme avait refusé
les avances d'un agent de la sécurité, elle pouvait être faussement
accusée et exécutée…
Il y a eu une commission rogatoire et les agents de la sécurité sont
eux-mêmes passés par le mwavi…"
En réalité, les anciens savaient quelle quantité l'homme pouvait
supporter. Ils pouvaient donner des surdoses et ceux qui étaient mis à
l'épreuve mourraient. C'était en fait le tribunal des vieux qui condamnait
ou acquittait. Mais avec le mwavi, la condamnation ne venait pas des
hommes, elle recevait un caractère mystique…
A la page 336, Erik Kennes donne sa synthèse sur le PRP et
le maquis de Kabila : "Le PRP se situe
entre un mouvement révolutionnaire avorté et un groupe de banditisme
inavoué". "Le maquis de Kabila fonctionnait quelque peu comme un miroir du
mobilisme. Le PRP est une réplique des structures d'autorité du système
mobutiste."
Quand Kennes affirme que le PRP était à moitié un groupe révolutionnaire
raté et à moitié un groupe de bandits, le général Mwati réagit avec
indignation.
"Ce monsieur ne sait
simplement pas de quoi il parle et il n'a fait aucun effort pour connaître
l'opinion de ceux qui sont restés longtemps avec Kabila et qui, à côté de
ce grand homme, ont couru mille dangers et connu mille et une souffrances.
Kabila nous a toujours enseigné que notre armée révolutionnaire devait
être le contraire de l'armée contre-révolutionnaire du MPR. Tous nos
combattants connaissaient par cœur ce serment en Swahili
"Nous sommes une véritable armée du peuple. Contrairement aux FAZ, nous ne
devons pas faire souffrir la population, voler ses biens, la violenter, la
tracasser, la rançonner ou l'insulter. Nous sommes issus du peuple et nous
considérons les populations civiles comme nos parents. Nous nous
sacrifions pour la nation et nous sommes prêts à verser notre sang pour
protéger la population. Nous ne pouvons rien prendre de force d'un détenu
ou d'un prisonnier de guerre, même pas un bout de fil."
Che Guevara éduque Laurent Kabila
A la page 165, Kennes dit : "Yerodia
a convaincu Che d'aller au Congo". Mais Yerodia est en vie et trouver
ses coordonnés ne pose pas de problèmes insurmontables pour un chercheur
de l'Institut Africain de Belgique. Est-ce que notre ami Erik a vérifié
cette information chez la personne concernée ?
J'ai moi-même eu l'occasion d'évoquer avec le camarade Yerodia la question
de l'arrivée au Congo du Che. Yerodia m'a dit que, lors de leur rencontre
à Alger, il a vivement déconseillé au Che de venir au Congo : "Notre
désorganisation et le fait que la révolution était dans une phase
descendante, le rendaient impossible pour nous d'accueillir le Che comme
il convenait. Mais le Che a répondu que les intellectuels raisonnent
toujours de cette manière défaitiste. Et il a décidé de venir soutenir la
révolution congolaise malgré notre réticence."
Che Guevara était du 11 au 18 février à Dar-Es-Salaam où il a rencontré
Kabila. Le Che a gardé une impression favorable du jeune Kabila et une
impression défavorable de Soumialot, le chef hiérarchique de Kabila. Le
Che a proposé d'envoyer au Congo des armes et 30 conseillers cubains noirs.
A la page 129, Erik dit : "Che
Guevara s'est efforcé d'apporter son expérience à la rébellion muleliste à
l'Est mais les dirigeants, dont Kabila, ne semblaient guère intéressés et
se sont contentés de contrôler l'acheminement de cette aide sans en tirer
vraiment partie pour dynamiser leur lutte."
Kabila guère intéressé ? Kabila connaissait bien les faiblesses de
cette révolution lancée en 1964 sans la moindre préparation politique et
organisationnelle. Ces faiblesses étaient historiquement inévitables, mais
elles rendaient aussi impossible une "utilisation" rentable
d'un monument révolutionnaire comme Che Guevara.
Et ça vaut aussi la peine de souligner qu'en 1964 Kabila n'avait que 23
ans ! Laurent Kabila n'avait pas encore eu le temps de mûrir politiquement.
Notre ami Erik Kennes a grandi et a été formé intellectuellement dans les
meilleures conditions dans un pays développé. Mais aurait-il au, à 23 ans,
les qualités politiques et morales, la maîtrise politique pour "gérer" un
Che Guevara ? Kabila était en 1964 un jeune révolutionnaire intelligent,
décidé et dévoué. Mais il n'avait pas encore l'expérience ni le bagage
politique être un révolutionnaire professionnel capable de diriger un
processus aussi compliqué que la révolution congolaise…
Pour ce qui concerne la "dynamisation la
lutte", il faut bien avouer que Mitudidi, Masengho et Che, les chefs
sur le terrain, ont fait le maximum dans les conditions matérielles et
politiques données !
Deux mois après sa rencontre avec le Che, Kabila a été
bouleversé d'apprendre que Guevara lui-même, accompagné de plus de 122
combattants cubains, avait débarqué au maquis de Fizi-Baraka ! Erik Kennes
écrit : "Kabila refuse d'en informer les
Tanzaniens. Cette arrivée du Che lui déplaît visiblement. Il invoque pour
se justifier son souci de la sécurité d'un hôte aussi recherché. Et un
problème d'autorité se pose : Che devait éclipser tous les autres
combattants, dont Kabila…"
Mais soyons sérieux : Kabila avait raison d'être "mécontent" !
Lui-même et le maquis rudimentaire qu'il dirigeait alors, étaient-ils
capables d'utiliser efficacement le Che et les 122 révolutionnaires
professionnels cubains ?
Erik reproche à Kabila de ne pas avoir informé les Tanzaniens ? Mais
Kabila savait que certains hauts responsables de la Tanzanie travaillaient
pour la CIA, et que l'extrême prudence était donc de mise.
Ensuite, Kabila avait raison d'estimer que la sécurité de Che Guevara
posait un problème énorme. Si l'information sur sa présence parvenait chez
les Yankees, ils mettraient tous les moyens imaginables en œuvre pour tuer
le Che. Et les révolutionnaires congolais n'avaient nullement la capacité
de garantir la sécurité du Che et de le protéger contre les assauts des
forces mercenaires et américaines.
Quant à "la peur de Kabila d'être éclipsé
par Guevara", c'est une affirmation gratuite. En tout état de cause,
il n'y avait là aucun "danger" :
Guevara, un Blanc, un étranger qui ne parlait pas la langue, ne pouvait en
aucun cas "éclipser" Kabila.
En général, le grand public retient des observations que le
Che a faites sur Laurent Kabila, qu'il aimait trop "la
bière et les femmes". Les médias bourgeois ont propagé tapageusement
les quelques observations du grand révolutionnaire Guevara sur ce jeune
Congolais de l'an 1965 qui s'appelait Kabila et avait 24 ans !
Mais qui pourrait affirmer que le Che lui-même, à 23-24 ans, n'aimait pas
les femmes et la bière ?
Après sa première rencontre avec Kabila au maquis, Che Guevara a une très
bonne impression de Kabila. "Il montre
qu'il connaît bien la mentalité de ses gens, il est alerte et agréable. Il
donne des réponses convainquantes aux questions du public. Kabila a un
ascendant indiscutable et la façon dont il donne des instructions pour
réaliser un plan de défense de la petite baie autour de la Base, le prouve."
Et les réflexions fondamentales du Che sur Kabila, au moment où il quitte
le Congo, ne parlent pas de femmes et de bière. Elles disent ceci. "Les
chefs à caractère national que j'ai été amené à connaître, sont Kabila et
Masengho. Sans aucun doute, Kabila est le seul qui ait à la fois un
cerveau clair et une capacité de raisonnement développée, une personnalité
de dirigeant Il s'impose par sa présence, il est capable d'exiger la
loyauté ou au moins la soumission, il est habille dans ses relations
directes avec la population ; en somme, c'est un dirigeant capable de
mobiliser les masses."
"Du point de vue politique, il ne reste
que des groupes épars, en constant processus de décomposition, desquels il
faudra extraire un noyau qui permette, à l'avenir, de faire surgir une
armée de guérilla."
Pour ceux qui connaissent les réalités concrètes du Congo, ce sont des
paroles prophétiques extraordinaires.
Or, qui a eu la capacité de réaliser la tâche presque surhumaine,
impossible, que Che Guevara jugeait essentiel : extraire, des groupes
épars, un noyau qui permet de faire surgir une armée de guérilla ? C'est
Laurent Kabila qui le réalisera en 1967, avec la fondation du PRP !
En 1959-1960, Lumumba était incontestablement le plus grand
dirigeant de masse, celui qui a entraîné le peuple congolais tout entier
dans le combat pour une indépendance effective.
En 1960, Pierre Mulele était plus avancé du point de vue révolutionnaire
que Lumumba, mais il n'avait pas encore son envergure de dirigeant
national.
C'est après son séjour en 1962-63 en Chine, où il a suivi une formation
politico-militaire, qu'il est devenu un authentique dirigeant
révolutionnaire des masses populaires du Congo. En 1963-64, Mulele a porté
à un niveau supérieur la lutte pour l'indépendance politique et économique
et il a réalisé pour la première fois dans l'histoire la conscientisation
politique des masses ouvrières et paysannes et leur organisation
politico-militaire pour la guerre de libération.
Mulele était déjà un homme mûr en 1964. Né en 1929, il avait alors 35 ans.
Kabila n'en comptait que 23 !
On peut comprendre que le maquis du Kwilu-Kwango, systématiquement préparé
et politiquement encadré par Mulele, était plus avancé que celui initié
par Kabila au Kivu-Maniema.
Or, Kabila a certainement été marqué par
Ceux qui s'amusent à mettre en évidence ces critiques pour dénigrer Kabila,
montrent simplement qu'ils ne font pas partie du camp révolutionnaire.
En effet, Laurent Désiré Kabila a été fort marqué par les observations du
Che à son égard et il en a tenu scrupuleusement compte. Il s'est formé
dans l'Académie politico-militaire de Nanking, la même qu'a fréquentée
Mulele, et cela pendant six mois et 21 jours, beaucoup plus longuement que
Mulele.
Notre ami Erik Kennes devait faire un peu plus montre de la maîtrise de la
dialectique : les faiblesses réelles de Kabila en 1964, ont été dépassé
par l'extraordinaire saut qualitatif que ce jeune dirigeant
révolutionnaire a réalisé en 1966-67, en méditant sur les critiques du Che
et en assimilant les leçons de la plus grande révolution nationaliste et
anti-impérialiste dans l'histoire : celle que Mao Zedong a dirigée en
Chine à la victoire.
Erik n'est pas attentif à ce bond qualitatif, il répète souvent les
clichés sur le Laurent Kabila de 1964-65 au cours de la période suivante,
1967-1978, pendant laquelle nous voyons à l'œuvre un Kabila complètement
transformé.
Comme Mulele a dépassé Lumumba en 1964-65, nous pouvons affirmer que
Kabila, en 1967-78, puis en 1979-1996, a dépassé Pierre Mulele.
Kabila n'aurait ni plan, ni stratégie ?
Très tôt, Erik Kennes s'est forgé, de façon subjective, une
image de Kabila comme petit opportuniste qui saute sur les occasions qui
se présentent à lui.
Ainsi, à la page 61, Kennes dit du Laurent Kabila de 1960 : "Kabila
semble n'avoir jamais eu un plan, une stratégie à long terme : il profite
plutôt des occasions offertes." Or, le héros de l'ouvrage de Erik a juste
19-20 ans ! Où est-ce que ce jeune homme aurait-il pu se former sous le
régime colonial pour "élaborer des stratégies et des plans à long terme ?"
Erik lui-même nous donne dans son ouvrage des faits qui
auraient dû le pousser à une réflexion plus profonde. La colonisation
éduquait les jeunes dans la soumission et condamnait tout esprit
indépendant et rebelle. Or, il est indiscutable que le jeune Kabila se
distinguait très tôt de tous ses compagnons.
Taratibu, le père de Laurent Kabila, a sans doute été un homme remarquable.
Né en 1900, il entre en 1927 à la Poste d'Elisabethville comme commis. En
1952, il était commis principal de deuxième classe, le degré le plus élevé
qu'un Noir pouvait atteindre à la poste. Faisant aussi du commerce, il a
atteint un standard de vie très élevé pour un Congolais. Lors de la
création du Secteur Kamalondo, chef-lieu Ankoro, Taratibu devient le
premier chef de secteur. (E.K., p. 17-18)
Ayant compris l'importance décisive de l'instruction dans le monde
moderne, Taratibu donnait à ses enfants une éducation sur le modèle des
Blancs. A la maison, il les habituait à parler le français. Le jeune
Kabila était un lecteur assidu qui fréquentait les bibliothèques publiques
où il aimait lire Rousseau et Descartes.
Il est aussi devenu président des Associations Sportives indigènes, et,
selon un témoin, "Kabila n'acceptait pas
la défaite, il était tenace et déterminé et il avait un ascendant sur nous
tous".
Là où Erik estime que notre Kabila, à 19 ans, était un homme "sans plan et
stratégie", nous dirons que ce jeune homme a réalisé des efforts
remarquables pour rompre avec la soumission coloniale, pour développer son
intelligence de façon indépendante et pour se forger un caractère de
dirigeant et de gagnant…
Monsieur Rosy assurait en 1958 l'intérim du gouverneur du Katanga. Il
témoigne que Sendwe lui a demandé en 1958 : "Monsieur
Rosy, ne voudriez-vous pas mettre au bloc cette jeune crapule de Kabila ?
C'est un agitateur, il ameute les jeunes de la B.B.T. !" (E.K., p.
61) Pour se faire remarquer dans la colonie comme agitateur politique à 17
ans, il fallait être exceptionnel !
Le Congo accède à l'indépendance le 30 juin 1960. Le 9
juillet, l'armée belge intervient et Tshombe se lance dans la "sécession".
Au Katanga, les masses du Balubakat sont très nationalistes, elles s'en
prennent aux chefs traditionnels et aux cadres de l'administration qui
sont considérés comme pro-belges, pro-sécession. L'administration
coloniale est remplacée par des"Sénats",
comités formés par des nationalistes. L'opération décisive des
nationalistes au Nord Katanga est la prise de Kabalo, réalisée début
octobre 1960, par trois colonnes la Jeunesse de Kamalondo, une colonne
étant dirigée par Laurent Kabila, appelé "général
d'Ankoro".
Kabila a 19 ans !
Erik Kennes n'étudie pas les caractéristiques du milieu où évolue Kabila
pour juger ses mérites comme meneur d'hommes. A 19 ans, Kabila est déjà un
dirigeant important de la jeunesse combattante. Ce n'est pas donné à
beaucoup de monde.
Ainsi, à l'âge de 17-19 ans, Laurent Kabila a déjà fait un
parcours remarquable qu'on ne peut pas minimiser en disant que ce jeune
n'a pas de "stratégie à long terme, mais
profite plutôt des occasions offertes." Pour pouvoir "profiter
des occasions" et s'imposer dans le combat politique à 19 ans, il
faut beaucoup de talent…
Le 30 janvier 1961, un gouvernement nationaliste du Lualaba
est installé à Manono, Kabila devient directeur au Ministère de
l'Information.
A 19 ans, Kabila est déjà assez important aux yeux de la Sûreté Katangaise
(dirigée par des officiers belges !) pour qu'elle lui consacre un faux.
Selon la Sûreté, Kabila aurait envoyé des félicitations au Parti
Communiste Congolais, et il aurait proposé de "commander
des armes et munitions … en Union soviétique" et de "semer
une propagande communisante dans bien des pays d'Afrique". (E.K., p.
76)
En juin 1961, Placide Kitungwa, ministre de la Jeunesse du
gouvernement Gizenga, intègre le jeune Kabila dans la délégation qui
assistera au Forum Mondial de la Jeunesse à Moscou.
Le 13 novembre 61, le gouvernement du Lualaba, gouvernement nationaliste
balubakat, s'installe à Albertville et y reste jusqu'en mai 64.
Fin 1961, à Stanleyville, une conférence constitutive de la "Jeunesse
Nationaliste Lumumbiste" est organisée. Cette "Jeunesse" base
son activité sur l'anticolonialisme, l'anti-impérialisme et sur le
centralisme démocratique. L'organisation compte dans son secrétariat
Augustin Boyoko, Léonard Mitudidi, Placide Kitungwa et Laurent Kabila - ce
dernier vient de fêter ses 20 ans …
Dire que "la position
qu'occupe Kabila ne lui vient pas de son aptitude à diriger une action sur
le terrain, mais de son statut - relatif - d'intellectuel", n'est pas
défendable. La thèse que Erik adopte est basée sur des préjugés et des
apriori's. Kabila a lié sa grande intelligence à son talent naturelle de
meneur d'hommes et à sa capacité de diriger des actions sur le terrain.
Erik reste fidèle à ses préjugés et apriori's jusqu'au
bout. Le jugement d'Erik sur la grande période révolutionnaire de
1967-1978 est identique au jugement sur les années du tout début, lorsque
Kabila avait 17-20 ans !
A la page 303, Erik écrit : "(Après 1978),
on ne peut guère soutenir que Kabila a un plan ou même une série
d'objectifs cohérents. Avant 1978, cette carence est compensée par la
présence au maquis de Yumbu et Kibwe Cha Malenge."
En clair, le chef de la révolution était un imbécile, mais ses adjoints
ont compensé sa bêtise…
Cela ne tient pas la route. Aucun partisan qui a fait dix ans au maquis
avec Kabila, vous dira que Yumbu et Kibwe "compensaient
les carences de Kabila qui n'avait ni plan, ni objectifs cohérents"…
En quoi Yumbu et Kibwe étaient-ils supérieurs à Mzee? Kibwe Cha Malenga a
été un grand révolutionnaire. Il s'est séparé (en 1965) de Kabila et il a
échoué dix ans plus tard. Puis il s'est rallié à Kabila qui l'a accueilli
comme un camarade, sans la moindre rancune…
L'expérience de la Chine a convaincu Kabila de la justesse
de la guerre populaire de longue durée, comme stratégie fondamentale pour
la libération des pays stratégiques du Tiers Monde.
Le général Mwati m'a dit : "Depuis
Hewa Bora, Kabila a toujours souligné : la guerre de libération est une
affaire de longue haleine, ce n'est pas un coup d'état. Le néocolonialisme
n'est pas comme une chique, quelque chose qui est facile à enlever de
votre pied. "Mapinduzi si mepesi", - La révolution n'est pas facile. "Sikalamu
ya kutshora", - La révolution n'est pas comparable à un crayon. Un crayon
écrit facilement, dès le premier essai, mais la révolution est longue et
dure.
Kabila a commencé la guerre en 1969 et elle a durée jusqu'en 1978, la
révolution a affaibli les FAZ.
Si Che Guevara était ressuscité, il aurait félicité Kabila pour avoir
organisé la plus longue guerre de guérilla de notre histoire, une guerre
qui a tenu tête aux meilleures armées de Mobutu."
Erik ne peut pas écrire l'histoire du mouvement
révolutionnaire du Congo sans faire l'effort de voir cette révolution de
l'intérieur, par les yeux de ceux qui l'ont faite, en essayant de saisir
leur motivation et leur logique.
Kabila a, de façon consistante et cohérente, énoncé depuis 1967 une série
de lignes stratégiques cohérentes. Si l'on veut bien faire un effort pour
les saisir, on n'arrivera pas à la conclusion aberrante que Kabila a été "un
homme qui suit son chemin de façon peu planifiée, jouant des circonstances."
La première thèse de Kabila, formulée suite à l'étude de
l'histoire du colonialisme et du néocolonialisme au Congo, peut être
formulée ainsi : "Seule une révolution
armée, une révolution populaire peut briser la domination néocoloniale".
Pour organiser une révolution nationale victorieuse, il faut avant tout
développer la conscience des masses populaires du Congo. Elles doivent
comprendre qui est leur ennemi, qui est responsable de leur misère, de
leur marginalisation et exclusion, de la répression qu'elles subissent
quand elles revendiquent leurs droits.
Elles doivent comprendre que leurs ennemis sont les puissances
impérialistes, et avant tout l'impérialisme le plus puissant et dangereux,
l'impérialisme américain.
Elles doivent comprendre aussi que l'impérialisme doit toujours s'appuyer
sur une classe de traîtres congolais qui jouent le rôle d'intermédiaires
des impérialistes.
La base de la révolution nationale est la conscientisation et l'éducation
qui doit se faire dès le plus jeune âge, qui doit être assurée dans toutes
les organisations patriotiques et révolutionnaires.
Cette conscientisation et éducation doit aboutir sur l'organisation des
masses ouvrières, paysannes, travailleuses, des masses des fonctionnaires
et des intellectuels, de la jeunesse.
Comme la lutte est longue et complexe, il faut lier la lutte armée à la
lutte politique et diplomatique pour gagner des alliés de circonstance.

EQUIPE COMPLETE DES REVOLUTIONAIRES NATIONALISTES AVEC UN
SEUL RWANDAIS TUTSI EN COSTUME ET CRAVATE DU NOM DE "JERÔME KATAREBE"
(Grand et teint clair,costume en carreau)
Dans cette lutte complexe, il faut combattre l'opportunisme, c'est-à-dire
la tendance à oublier la stratégie fondamentale. Il ne faut pas, en
faisant front avec un allié de circonstance, oublier d'où il vient et ce
qu'il veut. Le Front et l'Unité doivent toujours servir à faire avancer la
lutte, et non la freiner ou l'enterrer.
Pour accélérer l'avènement de la victoire, il faut aussi exploiter les
contradictions entre les ennemis, sans oublier qu'un ennemi secondaire
reste un ennemi.
Depuis 1967 jusqu'à son assassinat en 2001, Laurent Désiré Kabila a
toujours défendu ces lignes stratégiques et ces thèses fondamentales.
28 mars 2004
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